Article rédigé par Jean Claude BONNIN
Jean-Claude est la mémoire de La Rochelle.
Un esprit scientifique qui recherche les documentations, les étudie, les classe, en tire des conclusions …
Généreux, il partage son savoir et publie ses études, donne des conférences, guide des visites.
Le projet architectural le plus ambitieux de La Rochelle
La porte royale est le projet architectural le plus ambitieux du programme de la nouvelle enceinte fortifiée de La Rochelle, dont la construction est lancée en 1689 sous les directives de Vauban. Pour la « porte du Roi » qui ouvre sur le chemin de Paris, il faut une entrée digne du plus puissant monarque d’Europe.
Dans l’immédiat, on préfère investir dans les ouvrages purement défensifs avant de se consacrer à un monument qui devra être, certes, un élément de défense, mais également un symbole du pouvoir absolu.
La construction des autres portes a été menée grand train, mais sans originalité. Seule la porte Dauphine, ou «porte du Dauphin de France», achevée vers 1700, présente un effort d’architecture. Les ingénieurs militaires l’ont traitée avec soin, mais nous sommes encore dans un style hérité du règne de Louis XIII.
Le mariage de la brique et de la pierre fait toujours bel effet, mais commence à passer de mode : le néo-classique a déjà fait son apparition dans l’architecture militaire, notamment dans les nouvelles constructions du château de Vincennes. En attendant les moyens d’édifier la porte Royale, et comme il faut bien sortir de la ville pour rejoindre le chemin de Paris, on se contente d’une simple saignée dans le rempart.
C’est un long couloir à ciel ouvert qui sort au nord et prend naturellement l’appellation de Porte de Paris. Un corps de garde à colonnades permet de loger les soldats à proximité. En 1915, lors de l’arasement des remparts, on retrouvera les vestiges de cette porte dans le prolongement de l’actuelle avenue des Cordeliers.
Puis, on fait appel à Pierre Bullet
Pour la Porte Royale, on fait appel à Pierre Bullet, l’architecte qui a signé la porte Saint-Martin, à Paris, en 1674. Postérieur à cette réalisation monumentale, son projet est bien différent.
Il en lance les grandes lignes en 1696 et l’amende jusqu’en 1706. Inspiré des arcs monumentaux de Rome, il s’inscrit dans la lignée des architectes Le Vaux ou Mansart.
Le budget n’est pas au rendez-vous. Les ingénieurs avancent progressivement: l’avant porte est édifiée en 1706, ouvrant sur la demi- lune, ouvrage avancé protégeant la future porte monumentale.
Cette avant-porte est encore timbrée, comme la porte Dauphine, du soleil royal de Louis XIV. Un soldat s’est permis, dès 1708, d’y laisser des graffiti à son nom.
La paix est bénéfique aux grands travaux
Louis XIV disparu en 1715, la France connaît une période de paix qui laisse plus de subsides à consacrer aux ouvrages militaires. La porte Royale est enfin réalisée de 1716 à 1724 sous les directives de l’ingénieur René-Jacob de Tigné.
Mais les moyens sont comptés : seule la porte monumentale est réalisée, avec ses constructions annexes, corps de garde, poudrière, prison et latrines.
On avait évoqué l’édification du logis du gouverneur. Modestement, l’ingénieur s’est arrêté sur un attique coiffant la façade côté campagne, qui ne sera pas réalisé, et s’était lancé dans un programme ornemental avec le buste du roi, des trophées, une pompeuse inscription sur une grande plaque de marbre, présentant « en peu de mots partie de l’histoire de la Rochelle, et ce qui s’est passé de plus mémorable à son occasion sous le Règne de trois de nos Rois ».
Le tout aurait renforcé le caractère exceptionnel de la porte, mais aurait exigé des moyens plus utiles ailleurs.
La nouvelle Porte Royale mise en service
Après la mise en service de la nouvelle porte, l’ancienne porte de Paris est comblée et la courtine rétablie.
La « rue de Paris » devient ainsi la « rue de la Porte Murée ».
Considérée comme achevée, la Porte Royale ne fait plus l’objet, dès lors, que de travaux d’entretien. La porte est un ouvrage de défense militaire gardée par des soldats.
Les graffiti que ceux-ci ont laissés un peu partout sur les murs permettent d’identifier plusieurs des régiments en garnison à la Rochelle, tels le Royal-Vaisseaux, le Régiment de la Reine, celui de Conti ou celui de la Sarre, au XVIIIe siècle, suivis d’autres plus récents jusqu’au début du XXe siècle.
La Porte Prison
Après les guerres de Louis XIV, la Régence et le début du règne de Louis XV sont une période de paix.
De nouveaux bruits d’armes ne tardent pas à se faire entendre. En 1740, le roi se lance dans la guerre de succession d’Autriche.
Anglais et hollandais s’étant alliés à l’Autriche, le conflit devient également maritime. Les frégates de la marine royale du port de Rochefort se lancent à la défense des côtes et font de nombreuses prises parmi les navires anglais.
On entasse les équipages capturés dans la tour de la Lanterne. L’espace devenant insuffisant, des prisonniers sont incarcérés dans la prison de la Porte Royale, puis la chambre de l’officier de garde est également réquisitionnée.
Les graffiti laissés par les matelots anglais couvrent les murs de leurs lieux de détention. Par la suite, ils sont échangés contre des matelots français détenus en Angleterre.
Certains matelots anglais, malades ou blessés, meurent à la Porte Royale et, comme ils sont protestants, les religieux de la Charité les inhument dans leur jardin. Après la Guerre de succession d’Autriche, on ne relève plus de prisonniers étrangers incarcérés à la Porte Royale.
L’abandon
Les fortifications de la ville ayant été déclassées par le Ministère de la Guerre, vers 1900, la Porte Royale est remise par le Génie militaire au Service des Domaines en 1912, puis à l’administration des Beaux-Arts.
Au début du XXe siècle, et surtout après la Première Guerre mondiale, la traction hippomobile fait place aux véhicules à moteur, de plus en plus nombreux et de plus en plus puissants.
Le pont-levis en bois et la largeur de la porte sont des contraintes.
En 1920, un contournement est effectué par deux percées dans les courtines, de chaque côté de la porte.
Le monument sert alors à divers usages. Durant l’Occupation, l’armée allemande y aménage un central téléphonique.
En 1953, la ville de La Rochelle achète la porte à l’État. Déjà classée Monument historique en 1909, cette qualité est étendue en 1974 à son avant-porte et aux remparts avoisinants.
La rue contournant la porte au nord est alors supprimée, permettant le rétablissement en cet endroit de la profonde douve et de dégager les bases de la porte.
À la fin du XXe siècle, jugée vétuste, la porte est désaffectée, squattée et dégradée.
Le magazine
Après 5 ans de travaux et d’animations de la Porte Royale il était nécessaire de marquer le temps avec un bel ouvrage qui immortalise notre action.
Tous les amis et acteurs de ce beau projet se sont mobilisés pour écrire et fournir des éléments images et archives pour réaliser cette superbe brochure qui permet de replacer la Porte Royale dans son histoire passée et actuelle.
Un très beau magazine à découvrir et à parcourir avec plaisir.