Histoire

26 octobre 2025

Article rédigé par Jean Claude BONNIN

Jean-Claude représente la mémoire de La Rochelle, un scientifique passionné qui s’emploie à rechercher, étudier et cataloguer la documentation, en tirant des conclusions précieuses.

Avec générosité, il partage ses connaissances à travers des publications, des conférences et des visites guidées.

Contact : jclaude.bonnin@gmail.com

Le projet architectural le plus ambitieux de La Rochelle

La porte royale est le projet architectural phare du programme de la nouvelle enceinte fortifiée de La Rochelle, dont la construction débute en 1689 sous la supervision de Vauban. La « porte du Roi », qui s’ouvre vers Paris, se doit d’être à la hauteur du plus grand monarque d’Europe.

Dans un premier temps, les efforts sont concentrés sur des ouvrages purement défensifs, avant de se tourner vers la création d’un monument qui, bien que défensif, devra aussi représenter le pouvoir absolu.

Bien que la construction des autres portes soit menée de manière conséquente, elles manquent d’originalité. Seule la porte Dauphine, achevée vers 1700, se distingue par un rare effort architectural. Les ingénieurs militaires ont travaillé avec attention, mais le style demeure ancré dans celui de Louis XIII.

Le mariage de la brique et de la pierre, bien que toujours apprécié, commence à perdre son attrait : le néo-classique commence à émerger dans l’architecture militaire, en particulier dans les nouvelles constructions du château de Vincennes. En attendant les ressources nécessaires pour élever la porte Royale, une simple ouverture dans le rempart permet d’accéder au chemin de Paris.

Ce passage ouvert au nord est naturellement nommé la Porte de Paris. Un corps de garde à colonnades est aménagé pour héberger des soldats à proximité. En 1915, lors des travaux d’abattement des remparts, on découvrira les vestiges de cette porte dans le prolongement de l’actuelle avenue des Cordeliers.

Appel à Pierre Bullet

Pour la réalisation de la Porte Royale, Pierre Bullet, l’architecte ayant conçu la porte Saint-Martin à Paris en 1674, est sollicité. Bien que son projet soit postérieur à cette œuvre monumentale, il diffère grandement.

Il en esquisse les grandes lignes en 1696 et apporte des modifications jusqu’en 1706. Son inspiration vient des arches monumentales romaines, et il s’inscrit dans la lignée des architectes Le Vaux ou Mansart.

Faute de budget adéquat, les ingénieurs avancent par phases : l’avant-porte est construite en 1706, s’ouvrant sur une demi-lune qui protégera la future porte monumentale.

Cette avant-porte est décorée, à l’instar de la porte Dauphine, du soleil royal de Louis XIV. Un soldat a même inscrit son nom sous forme de graffiti dès 1708.

Après le décès de Louis XIV en 1715, une période de paix permet à la France de dégager davantage de fonds pour les ouvrages militaires. La porte Royale est finalement achevée entre 1716 et 1724 selon les directives de l’ingénieur René-Jacob de Tigné.

Les ressources sont toutefois limitées : seule la porte monumentale est complète, accompagnée de constructions annexes telles qu’un corps de garde, une poudrière, une prison et des latrines. L’idée d’un logement pour le gouverneur a été abandonnée, et l’ingénieur a opté pour un attique sur la façade côté campagne, qui ne sera pas mis en œuvre, ainsi qu’un programme ornemental incluant un buste du roi, des trophées et une inscription mémorable sur une grande plaque de marbre, relatant une part de l’histoire de La Rochelle sous le règne de trois rois.

La mise en service de la nouvelle porte Royale

Une fois la nouvelle porte opérationnelle, la vieille porte de Paris est comblée et la courtine est rénovée.

La « rue de Paris » prend le nom de « rue de la Porte Murée ».

Considérée comme complète, la Porte Royale ne subit plus que des travaux d’entretien. Elle devient une structure de défense militaire surveillée par des soldats.

Les graffiti laissés par ces derniers sur les murs témoignent de la présence de plusieurs régiments stationnés à La Rochelle au XVIIIe siècle, comme le Royal-Vaisseaux, le Régiment de la Reine, le Régiment de Conti et celui de la Sarre, suivis d’autres plus récents jusqu’au début du XXe siècle.

La porte prison

Après les guerres de Louis XIV, la Régence et le début du règne de Louis XV sont marqués par une période pacifique.

Cependant, de nouveaux conflits apparaissent rapidement. En 1740, le roi entre dans la guerre de succession d’Autriche.

Les Anglais et les Hollandais s’alliant à l’Autriche, le conflit prend également un tournant maritime. Les frégates de la marine royale basées à Rochefort descendent défendre les côtes et capturent de nombreux navires anglais.

Les marins capturés sont entassés dans la tour de la Lanterne. Face à l’insuffisance d’espace, des prisonniers commencent à être détenus dans la prison de la Porte Royale, incluant la chambre de l’officier de garde également réquisitionnée.

Les graffiti laissés par les marins anglais tapissent les murs de leurs cellules. Par la suite, ils seront échangés contre des marins français détenus en Angleterre.

Certaines de ces unités anglaises, malades ou blessées, décèdent à la Porte Royale, et en tant que protestants, ils sont inhumés par les religieux de la Charité dans leur jardin. Après la guerre de succession d’Autriche, plus aucun prisonnier étranger n’est enregistré à la Porte Royale.

L’abandon

Avec la déclassification des fortifications de la ville par le Ministère de la Guerre autour de 1900, la Porte Royale est transférée par le Génie militaire au Service des Domaines en 1912, puis à l’administration des Beaux-Arts.

Au début du XXe siècle, après la Première Guerre mondiale, les transports hippomobiles font place aux véhicules à moteur de plus en plus nombreux et puissants.

Le pont-levis en bois et la largeur de la porte constituent des contraintes. En 1920, un contournement est aménagé par deux ouvertures dans les courtines, de part et d’autre de la porte.

Le monument est alors utilisé pour divers usages. Pendant l’Occupation, l’armée allemande y établit un central téléphonique.

En 1953, la ville de La Rochelle acquiert la porte de l’État. Déjà classée Monument historique en 1909, ce statut est étendu en 1974 à l’avant-porte et aux remparts adjacents.

La rue contournant la porte au nord est alors supprimée, permettant de restaurer l’ancienne douve et de dégager les bases de la porte.

À la fin du XXe siècle, jugée vétuste, la porte est désaffectée, squattée et subit des dégradations.

Le magazine

Après cinq années de travaux et d’animations autour de la Porte Royale, un ouvrage mémorable était nécessaire pour immortaliser cette action.

Tous les amis et acteurs de ce projet magnifique se sont mobilisés pour rédiger et fournir des éléments d’images et d’archives, aboutissant à la réalisation de cette brochure exceptionnelle qui replante la Porte Royale dans son histoire passée et présente.

Un très beau magazine à explorer et à apprécier.

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Camille

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